Voici un an que les djihadistes de Daech ont fondé leur « Etat islamique ». L’un des objectifs principaux de l’organisation était de fonder l’umma islamiyya, c’est-à-dire la nation islamique. Peut-on dire, un après, que cet objectif soit en bonne voie ? L’ « Etat Islamique » a rencontré d’indéniables succès depuis la date de sa proclamation le 29 juin 2014. Tout d’abord, il est parvenu à se maintenir sur les territoires qu’il avait conquis de haute lutte depuis la fin 2013/début 2014 en Irak et en Syrie même s’il a connu depuis l’automne de l’année dernière des revers autant dus aux frappes de la coalition qu’à l’esprit de résistance des forces kurdes, du régime de Damas et des milices chiites. Force est de constater que Daech a toujours gardé l’initiative, se retirant sans pertes majeures de zones soumises à forte pression (Kobané et Tikrit) et reprenant l’offensive -même à Kobané- là où cela lui était possible comme à Ramadi et à Palmyre. C’est lui qui impose son rythme sachant que s’il passe à une phase défensive, c’est le début de sa fin car la lassitude gagnera alors rapidement ses militants. Cependant, il est vrai que ses troupes donnent l’impression de piétiner sur le front syro-irakien. Il a alors étendu ses opérations à l’étranger faisant appel à la « bonne volonté » d’activistes déjà en place depuis des années mais qui souhaitaient obtenir le « label » Etat Islamique rendu célèbre par sa série impressionnante de victoires et surtout, par l’établissement d’un « Etat » à qui ne manque que le Ministère des Affaires étrangères. Vivre sous la bannière de l’EI est devenu un objectif pour de nombreux islamistes radicaux en mal de reconnaissance. Dans sa hiérarchie des ennemis, l’Etat islamique positionne les hérétiques musulmans en haut de sa liste. La stratégie visant à opprimer les chiites -De nombreux attentats ont d’ailleurs été perpétrés depuis le début du ramadan contre des mosquées chiites- attise les tensions communautaires. Cette oppression systématique peut-elle réalistement s’opérer alors que l’Etat islamique vise à administrer des territoires et donc des habitants ? Il est totalement exact que les hérétiques musulmans, les « apostat » comme ils sont généralement désignés, sont les premiers ennemis désignés par la vindicte de Daech. Ce n’est pas une nouveauté : Moussab al Zarqaoui, le père fondateur d’Al-Qaida en Irak AQI) qui est devenu l’Etat Islamique d’Irak (EII) avant d’étendre son combat en Syrie en prenant l’appellation de l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL), avait déjà fait la preuve de sa haine des chiites allant jusqu’à indisposer Al-Qaida central. La nébuleuse n’a jamais montré une telle vindicte à l’égard des chiites même si elle les combat également, particulièrement au Pakistan et aujourd’hui au Yémen. Pour l’instant, cela ne pose pas de problème à l’EI car les territoires contrôlés ne comportent pas de chiites. Cela ne l’empêche pas de les attaquer là où ils vivent en situation minoritaire, dernièrement au Koweït et en Arabie saoudite. Après les chiites viennent les dirigeants de tous les pays musulmans (et les musulmans dits « modérés ») considérés comme des vendus à l’Occident puis, enfin, les « mécréants » : les juifs, les chrétiens, les bouddhistes, les agnostiques, etc.