Faut-il ouvrir les bureaux de vote à 17 heures ? Voilà, de façon un peu provocante, la question qui se pose désormais aux électeurs. Résumons la situation désormais bien connue. La loi électorale laisse les citoyens sous le feu roulant des sondages quotidiens pendant les semaines précédant le vote et bloque, pour ne pas altérer «la sincérité du scrutin», la diffusion de ces sondages sur le territoire français à partir du vendredi à 23h59. Mais à chaque scrutin, ils apparaissent sur les sites d’informations belges (coucou la RTBF), dans l’après-midi, sur des comptes Twitter avec #RadioLondres, dans les messageries, alors que les Français sont appelés à voter jusqu’à 19 heures ou 20 heures. Bref, pour la loi électorale française, c’est un peu comme si le nuage de Tchernobyl s’était arrêté à nos frontières. Mais on ne va pas revenir sur cette histoire.  Et on rappellera, en cette période où les manipulations grossières pour empêcher le bon déroulement du vote se multiplient jusqu’à la dernière minute, que Libération continuera son travail de désintox. Nous rectifierons, malgré ceux qui ont une lecture un peu bas du casque de la loi, les chiffres qui circulent sur les réseaux et les sites, si ceux-ci sont faux et manipulateurs. Nous ne l’avions pas fait il y a quinze jours parce que les sondages publiés étaient conformes à ceux qui étaient alors en notre possession. Pas sourcés, sujets à caution, mais pas faux…  Que faire désormais puisque les gendarmes du vote sont incapables, années après années, d’empêcher que les sondages atterrissent chez des médias qui ne sont pas soumis à nos codes ? On ne peut pas interdire à nos confrères étrangers de faire leur boulot, ni aux sondeurs, puisqu’ils sont chargés de faire leur travail d’estimations (et non de sondages) pour 20 heures. Alors quoi ? Donner les résultats trois heures après la fin du vote ? Ou voter en trois heures, à partir de 17 heures, quand on a pris connaissance des premiers sondages ? Certains électeurs ont déjà émis cette hypothèse, pour montrer leur défiance envers Macron et Le Pen, espérant que la différence entre le chiffre de la participation à 17 heures et celui à 20 heures indiquerait leur nombre.  Quoiqu’on pense de cette méthode de signaux indiens envoyés au vainqueur, ils seront d’autant moins audibles qu’ils rentreront en collision avec les stratégies de vote à partir de 17 heures. Un certain nombre d’électeurs, surtout ceux qui ont des doutes sur leur vote, pourraient en effet se déterminer en fonction de ce qui sera publié en Belgique et en Suisse. Iront-ils voter si le vote leur semble joué ? Ou au contraire, s’il est serré, se rendront-ils aux urnes, motivés par les premiers chiffres ? Comme si la publication quotidienne de ces sondages n’avait pas déjà eu tout le loisir d’influencer les votants… Va-t-on encore tolérer longtemps ces opérations de vote qui refusent de s’adapter au changement technologique et à la diffusion ultrarapide des informations et des manipulations ? Plutôt que mettre la pression sur les médias responsables et qui font leur travail, comme cela a été le cas samedi avec les #MacronLeaks, et de prendre les Français pour des oies blanches, la Commission nationale de contrôle de la campagne ferait mieux d’enquêter sur les fuites de sondages, les manips grossières de l’extrême droite, et de proposer au législateur des solutions pour en finir avec les lignes Maginot imaginaires. Chaque scrutin depuis vingt ans apporte la preuve que la loi doit être revue. Celui d’aujourd’hui encore plus que les précédents.

Comments are closed.

Post Navigation