Bravo Mme Veil, vous avez fait avancer la société française dans le bon sens et dans la modernité en ce jour de 1974. Ce 26 novembre 1974, en montant à la tribune de l’Assemblée nationale, Simone Veil sait qu’elle va passer des heures difficiles. Elle, magistrate de carrière, jamais élue députée, mais devenue quelques mois plus tôt ministre de la Santé, va pourtant surprendre son monde, marquer l’histoire de la société française, et devenir l’une des plus grandes figures du progressisme au XXe siècle, en faisant adopter la loi qui reconnaissait aux femmes le droit d’interrompre une grossesse non désirée. Si elle sait qu’elle va au-devant de débats durs et acharnés, c’est que la situation sur le sujet est déjà explosive. Le député UDR (droite) Lucien Neuwirth, qui avait défendu en 1967 la loi sur la contraception, l’a prévenue : « Vous verrez, cette question soulève une violence forte. » Tout le monde sait que 300 000 Françaises subissent chaque année une IVG clandestine. Les plus fortunées se paient le voyage vers l’Angleterre ou les Pays-Bas où l’opération est légale. Les autres cherchent des médecins qui, par solidarité ou par opportunité lucrative, acceptent de pratiquer l’acte. Les plus démunies se rabattent sur les dangereuses aiguilles à tricoter des « faiseuses (et des faiseurs) d’anges ». La loi de 1920 interdisant l’avortement n’est plus efficiente dans une société qui, depuis la fin des années 1960, bouge plus vite que jamais. « Dans les périodes les plus actives de l’action répressive, les sanctions ont frappé quelque cinq cents personnes, alors que trois cent mille avortements clandestins se pratiquent chaque année, reconnaît le ministre de la Justice, Jean Lecanuet. Le législateur remplit-il son rôle en maintenant une loi qui n’est plus respectée ? »

an