Le referendum grec restera quand même comme un très beau pavé dans la mare monétaire européenne. Il devrait préparer un véritable Waterloo pour la zone euro, mais on peine aujourd’hui à savoir qui en sera le vainqueur final – étant entendu que le perdant est déjà connu: la monnaie unique devrait rapidement disparaître désormais. Depuis plusieurs semaines, Tsipras faisait courir le bruit d’un recours aux urnes, sous une forme ou sous une autre (législatives anticipées ou referendum), pour faire passer le nouveau plan de sauvetage européen. Ses partenaires ont en effet exigé de lui des concessions pour lesquels il ne dispose pas de mandat populaire. Coincé par son aile gauche, Tsipras a besoin de « réassurer » ses arrières pour éviter une crise politique et raffermir une majorité parlementaire. L’annonce lancée dans la nuit vendredi à samedi d’un recours au referendum n’était pas une surprise. Si l’Union Européenne était un espace démocratique, elle l’approuverait d’ailleurs: il n’y a rien de scandaleux à consulter les citoyens sur des décisions importantes. On peut simplement reprocher à Tsipras d’avoir fait durer le plaisir depuis plusieurs mois pour sortir de sa botte, in extremis, une arme qui compromet le processus engagé en février. Le referendum, un choix tactique des créanciers? A lire les propositions soumises à Tsipras, toutefois, on peut se demander dans quelle mesure les Européens n’ont pas tout fait pour rendre le recours aux urnes inévitable. L’offre d’une aide de 12 milliards d’euros en 2015 est notoirement insuffisante pour remettre la Grèce sur les rails et organise l’insolvabilité du pays: L’argumentaire développé par le gouvernement dans cette note est que chacune des tranches prévue jusqu’à novembre ne servira qu’à rembourser différentes échéances dues au créanciers jusqu’à cette date: 4 milliards d’euros prévue d’ici mi-juillet se répartiront entre le remboursement d’obligations détenues par la BCE (3,5 milliards) et la contribution aux fonds structurels européens (500 millions) ; 4,7 milliards début août, également destinés à rembourser la BCE et 1,5 milliard en octobre pour payer le FMI. Conséquence, en déduit la partie grecque: la proposition ne contient par la moindre liquidité pour l’Etat, et ne compense pas le refus, jugé probable par les Grecs, que le FMI ne verse pas les prêts prévus initialement jusqu’en mars 2016 puisque la dette publique grecque ne sera pas jugée soutenable. Autre grief des Grecs: le montant de 12 milliards d’euros ne tient pas compte du fait que l’Etat grec, qui attend depuis près d’un an le feu vert des créanciers au versement d’une aide prévue dans son programme d’assistance internationale, a accumulé des impayés et subi une hausse de son taux de refinancement. Autrement dit, les Européens ont fini par proposer aux Grecs de l’argent pour se rembourser eux-mêmes, à charge pour les Grecs de se débrouiller pour survivre. En contrepartie de cette solution minimaliste, les Grecs doivent entreprendre des réformes sanglantes: une TVA sur la restauration à 23%, des coupes sombres dans les retraites et un excédent budgétaire massif. Mathématiquement, Tsipras n’a évidemment aucun intérêt à accepter cet accord léonin. D’où son idée de referendum, et son appel à refuser les propositions des créanciers, qui apparaît comme un véritable coup de poignard dans le dos de ceux-ci. Le referendum est-il une victoire prussienne? Depuis le mois de février, le ministre allemand des Finances, le cruel Schaüble, soutient qu’un « Grexit » serait un bien plutôt qu’un mal, et qu’il ne comporterait que très peu de conséquences négatives pour la zone euro. Cette conviction explique très largement la ligne maximaliste des « Prussiens » en Europe, Jeroen Dijsselbloem, président néerlandais de l’Eurogroupe, en tête. Ce « parti » a tout fait pour pousser les Grecs dans leurs retranchements (on notera que la Française Danièle Nouy, présidente du conseil du Mécanisme de supervision unique, pense de même). La grande illusion de Tsipras a consisté à croire que la France de Hollande avait une quelconque autorité ou influence capable d’infléchir la ligne prussienne. Il a donc systématiquement misé sur l’effroi qui s’emparerait des Européens au moment de passer à l’acte du Grexit. La suite de l’histoire (je l’ai écrit plusieurs fois sur ce blog d’ailleurs) a montré que la mesure du rapport de force n’était pas la première qualité du Premier Ministre grec. Cette semaine, le camp Schaüble a continué à faire entendre sa voix, contribuant à faire capoter les négociations mais sans toutefois pouvoir faire seul la différence. Schaüble déclarait d’ailleurs hier: « Nous ferons tout notre possible pour éviter une contagion à la zone euro. » En revanche, la rigidité de la position allemande est apparue plusieurs fois cette semaine. Ainsi, alors que François Hollande estimait jeudi: « Il y a encore des écarts qui demeurent », a confirmé le président français, François Hollande, jugeant toutefois que les deux parties n’étaient « pas loin d’un accord ». Mais il a appelé à ne plus perdre de temps: « Il faut savoir terminer une négociation (…) il n’y aurait rien à gagner à laisser trop de temps encore », alors que « la Grèce n’en a plus ».